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Texte de Susan George

Couriel d'information d'ATTAC n°246
Mardi 19 juin 2001




François Lonchampt
ollantay@free.fr
http://ecritscorsaires.free.fr



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TEXTES DIVERS

A PROPOS DES ÉVÉNEMENTS DE GÖTEBORG
Réponse à Susan George
François Lonchampt, 2001

PUBLIÉ SUR INDYMEDIA FRANCE


Si je vous comprends bien, Susan, la cause de tous ces troubles de Gotebörg réside dans le refus des "occupants" d'une école de sortir à la demande de la police. D'autant plus scandaleux quand on sait que ce refuge sans doute confortable a été mis gracieusement à leur disposition par un gouvernement si sympathique. La cause des troubles ne réside donc pas dans l'action de la police qui leur demande de sortir, et je suppose que la raison de cette intervention a dû vous paraître tout à fait légitime (vous n'avez pas soupçonné, par exemple, que cette histoire bizarre de sac plein d'arme puisse constituer une provocation policière). Mais peut-être faites-vous seulement une règle générale, que des citoyens sommés par les forces de l'ordre de se déplacer, de sortir, de circuler, et pourquoi pas de rentrer aussi (dans des stades, par exemple) doivent dans tous les cas obtempérer ?

Est-ce parce que l'Etat se définit par ce "monopole de la violence légitime", que vous semblez lui reconnaître à priori comme une prérogative incontestable ? Ou seulement parce que cet Etat là vous est tellement sympathique, qui pratique avec vous le consensus et la concertation ?

Tous les révolutionnaires, évidemment, ont contesté à l'Etat ce fameux "monopole de la violence légitime". Et il y a des circonstances où de simples citoyens se lèvent également pour le remettre en cause. Il n'y a pas besoin de remonter très loin dans l'histoire de France, par exemple, pour trouver de tels exemples.

Les vidéos qui sont actuellement diffusées ne montrent pas des policiers paniqués, mais des policiers qui tirent en marchant et en ajustant (il y avait sûrement des policiers paniqués, mais apparemment, ce n'étaient pas ceux-là). Votre empressement à justifier ces policiers a quelque chose d'indécent. "Complètement débordés", et en plus on leur casse leurs voitures, ils ont donc tiré de vraies balles. On les comprend. A leur place, on aurait sans doute fait la même chose. Tous les Français qui tiennent à leur voiture comme à la prunelle de leurs yeux (et dont certains sont prêts à tuer pour une rayure) vous ont capté cinq sur cinq, Susan. Vous auriez pu dire "les policiers ont tiré sur les manifestants", mais vous ne l'avez pas dit. Malheureusement, malencontreusement, peut-être, il se trouve que ces vraies balles tirées par ces policiers débordés atteignent de vrais manifestants. C'est pourquoi "une personne est blessée à l'abdomen". Pour cette personne, que vous mentionnez froidement, comme s'il s'agissait d'un inconnu anonyme victime d'un fait divers, vous ne manifestez aucune compassion. "Les Suédois" traumatisés par ces événements vous soucient beaucoup plus. Supposons que les auteurs de ces violences, de même que les blessés par balles sont tous des étrangers, des casseurs étrangers, ou qu'il ne s'agit pas de vrai suédois. En tout cas ce ne sont pas le genre de suédois que vous fréquentez habituellement, ce ne sont pas des "collègues suédois" (comme monsieur Persson).

Je ne suis pas un partisan acharné des méthodes violentes, loin de là. Je ne nie pas que trop de violence, à répétition, puisse tenir certains à distance, qui auraient toute leur place dans l'action. Et l'influence prépondérante des activistes (comme des bureaucrates et des négociateurs, d'ailleurs), peut certainement être remise en cause, comme tout le catéchisme d'une radicalité déjà stérile et démonétisée si elle se borne à répéter convulsivement le même scénario d'affrontement sans perspective, ou ceux de la vieille politique modernisée, prud'hommesque et cauteleuse que vous représentez malheureusement assez bien.

Mais il me semble aussi qu'on parle beaucoup des méfaits de la mondialisation depuis les événements de Seattle qui ont fait la une des journaux à cause des affrontements. Et que la légitime révolte d'une certaine jeunesse, et sa volonté d'en découdre, devraient nous rassurer un peu sur l'avenir de l'humanité. Votre indignation moralisante concernant "ces groupes qui ne sont jamais là pour le travail préparatoire, qui ne fichent jamais rien dans la politique de tous les jours" est tout à fait cocasse. Je crois que vous vous exprimez là très sincèrement. Mai 68, par exemple, comme toutes les révolutions, a été fait par des milliers ou des millions qui, pour la plupart, ne s'étaient jamais préoccupés jusque-là de "politique de tous les jours". Et toutes les révolutions ont toujours ridiculisé les pronostics et les savants calculs des états majors et des spécialistes du "travail préparatoire", ainsi que les "accords négociés par les autres". Votre mouvement, s'il est vivant, vous échappera de toute façon. A moins que vous le mettiez dans le formol de la vieille politique. En attendant, petite propriétaire, vous pensez avoir acquis des droits par votre opiniâtre travail de "politique au jour le jour". Ce genre de prétention est toujours balayé par les événements, qui risquent aussi de vous contraindre à choisir rapidement entre la confiance des ministres, fussent-ils sociaux-démocrates de bon aloi, et celle des exploités.

François Lonchampt