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Loren Goldner
TABLE DES MATIERES: |
LA CLASSE OUVRIÈRE AMÉRICAINE : RESTRUCTURATION DU CAPITAL GLOBAL, RECOMPOSITION DU TERRAIN DE CLASSE CHAPITRE I : PRÉCIS D'ANALYSE MARXISTE DU MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE I. a. Des livres I et II au livre III du Capital : le ''problème'' du capital total et de la reproduction élargie Loren Goldner, 1981 Les quatre livres du Capital sont difficiles à lire, surtout pour un lecteur peu au fait des débats qui ont traversé la philosophie allemande à partir de Kant et de Hegel, de la critique matérialiste de Hegel par Feuerbach et de la critique de Feuerbach par Marx. Il est de plus indispensable de mettre le Capital en rapport avec les Manuscrits de 1844 et les autres écrits de la période 1843-1845 qui aboutissent aux Thèses sur Feuerbach. Enfin, c'est dans les Grundrisse (1857) que Marx explicite les rapports entre sa critique de l'économie politique (et non la pauvre "économie marxiste" de ses épigones) et le développement ultérieur de celle-ci. Pour les besoins de ce texte, nous insisterons sur ce qui distingue le modèle abstrait du capital développé dans les livres I et II et le capital "en-et-pour-soi" tel qu'il est traité dans le livre III. Marx n'a cessé de dire que le modèle exposé dans les livres I et II présuppose : 1) l'absence de classes non capitalistes, le capital et le prolétariat étant les seules classes existantes ; 2) l'exclusion de tout autre mode de production que le capitalisme ; 3) la prévalence de la reproduction simple, ce qui suppose une productivité du travail constante ; 4) l'absence de système de crédit. Autrement dit, dans les livres I et II, l'exposé fait abstraction des concepts clés que nous aborderons, à savoir la reproduction élargie, qui renvoie au problème du capital **a souligner total et de sa médiation par le système de crédit. Tous les développements sur le travail productif et improductif présupposent la reproduction simple et le capital (individuel) en soi ; de la même manière, tous les développements sur la valeur contenus dans les tomes I et II est pour ainsi dire "ricardienne", et non pas marxiste. Sont véritablement marxistes les développements concernant la reproduction élargie, la reproduction du capital total et l'accomplissement de son cycle (Kreislauf) à travers le système bancaire, tels qu'ils sont élaborés dans le livre III. Toute la différence entre l'économie politique classique, celle de Ricardo notamment, et la critique de l'économie politique de Marx réside dans le fait que la valeur, qui chez Ricardo est "condensation du temps de travail nécessaire à la production d'une marchandise individuelle", devient chez Marx un rapport, une valeur s'autovalorisant (sich-selbst-verwertendes Wert) à travers la reproduction élargie. Le problème fondamental du mode de production capitaliste, quoi qu'en disent les ricardiens et les ouvriéristes qui se disent marxistes, n'est pas à rechercher dans la sphère de la production, que Marx appelle très à propos la "production immédiate" (voir le chapitre inédit du Capital mentionné plus haut), mais dans la reproduction du capital total. Le livre III du Capital est une **a souligner négation, au sens "hégélien" du terme, des livres I et II ; c'est là que, à travers l'idée que la valeur est la "condensation du temps de travail nécessaire à la production" d'une marchandise, Marx découvre, de façon immanente, la reproduction des forces créatrices humaines. La conception ricardienne de la valeur est, stricto sensu, une inversion de celle de Marx. Marx, en effet, *"flirte" avec le langage de Hegel, comme il le dit dans la préface du livre I. Suite : I. b. La valorisation |